Friday, February 6, 2009

L'intersexualité, encore un tabou


Paru le Mardi 03 Février 2009
ELSA ANGHINOLFI

Genève MANIFESTATION - Alors qu'elles représenteraient une personne sur deux mille, les personnes hermaphrodites voient régulièrement leurs droits élémentaires bafoués.
Un poignée de participants, quelques pancartes où l'on peut lire: «Pour mettre fin aux opérations chirurgicales génitales forcées, maintenant!» On croirait facilement à un rassemblement contre les mutilations sexuelles dont seraient victimes des populations lointaines, dans des pays où les droits de l'homme ne font pas partie des principales préoccupations politiques. Mais, non. Nicolas, Daniela et quelques autres étaient présents hier, sur la place des Nations à Genève, pour défendre les droits des personnes hermaphrodites ou intersexuées. Ils seraient régulièrement bafoués dans les sociétés occidentales dites démocratiques. Daniela Truffer, présidente de l'association allemande Intersexuelle Menschen, ne s'étonne pas du peu d'écho reçu par l'appel de son organisation à manifester silencieusement devant le siège genevois des Nations Unies: «C'est révélateur de la situation des personnes intersexuées en Suisse comme dans le monde. Elles sont invisibles juridiquement, socialement et politiquement. Et c'est pour cela que peu de gens ont connaissance de l'existence de personnes qui biologiquement sont entre deux sexes.»


Un choix dénié

Pourtant, un enfant sur deux mille naîtrait sans vraiment le corps d'un homme ni celui d'une femme. Mais cette ambiguïté génitale est très mal acceptée par la société. C'est pourquoi la majorité des hermaphrodites sont opérés dans leur enfance, le plus souvent pour devenir des femmes. Car «c'est plus facile de couper», explique crûment Mme Truffer.
Or ces opérations génitales sont souvent imposées aux personnes intersexuées, sans qu'elles-mêmes ou leurs parents ne soient informés de la nature et des conséquences de ces interventions. Elles privent les enfants du choix d'être un homme, une femme, ou de rester hermaphrodite.
La décision d'opérer part rarement d'une mauvaise intention, mais les conséquences psychiques et physiques qui en résultent sont souvent très lourdes. Outre les cicatrices que laissent les interventions, l'ablation d'une partie des organes génitaux engendre un traitement hormonal à vie. «On donne des hormones normalement prévues pour des femmes ménopausées à des enfants de 12 ans. A long terme, elles ont un effet négatif sur la santé», s'indigne Mme Truffer.
Les problèmes d'obésité, de diabète ou d'ostéoporose peuvent être des suites directes d'une opération ou d'un traitement hormonal. Toutes ces interventions médicales sont traumatisantes pour beaucoup d'hermaphrodites. Tant et si bien que nombre d'entre eux peinent à s'épanouir sexuellement.


Lourdes conséquences

Selon Mme Truffer, c'est une violation des droits fondamentaux de l'homme que d'imposer à des enfants au corps à l'origine «sain» des traitements aussi lourds. La militante apparente même cela à des mutilations, voire à de la torture. Et Nicolas, membre de l'Organisation internationale des intersexués1, de revendiquer le droit à un choix éclairé, en toute connaissance de cause. «Il faudrait qu'il y ait de l'information dans les écoles, explique-t-il. Si on explique bien aux enfants hermaphrodites ce qu'ils sont, il peuvent sans problème attendre leur puberté pour décider s'il veulent ou non être opérés.»
Pour les organisations de défense des personnes intersexuées, le droit de rester hermaphrodite est essentiel. Car l'intersexualité n'est pas considérée comme une anomalie, au contraire, «c'est un état naturel qui existe notamment dans les règnes végétal et animal», souligne Nicolas. I
Note : 1 www.intersexualite.org

Source

Un service de l'Organisation Internationale des Intersexes

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